J’ai écrit il y a quelques semaines un texte intitulé Les doubles méfaits des mecs en bois.
Devant les remarques de plusieurs de mes amis (masculins) et par souci d’équité
et d’égalité, je m’essaye aujourd’hui à un exercice de style un peu
différent et tente de me mettre à la place de la gente masculine en
modifiant mon texte de base très légèrement.
Prière de me pardonner pour les suppositions et
extrapolations en tout genre … J’essaye de rendre justice mais ne suis pas une
experte ;)
Pour commencer, petite définition : qu’est ce qu’une
fille en chiffons ? Ou plutôt, qu’est ce qu’une fille en soie (douce mais
difficile à entretenir, coûteuse et qui glisse entre les doigts) / en laine
(chaude mais qui irrite) / en dentelle (sexy mais à prendre mais précaution de
peur de la casser) / en polaire (résistante et qui n’a apparemment besoin de
personne) ?
Il n’existe pas de fille en chiffons « type » et
l’expérience pousse à conclure que la princesse de l’un peut en fait être la
fille en chiffons de l’autre. Elle est donc plutôt difficile à décrire de
manière générale la fille en question, mais on peut en revanche facilement donner
des exemples. Et là, je suis sûre qu’un certain nombre de personne se
reconnaîtra :
La fille en chiffons, peut (dans le désordre et sans
préférence) : vous faire tourner en bourrique pensant des heures, des
jours, des semaines voire des mois en vous faisant miroiter ce qu’elle ne pense
en réalité jamais vous accorder ; vous parler de faire des enfants au bout
du deuxième rendez-vous et vous faire rencontrer sa mère (à laquelle elle
ressemble étrangement d’ailleurs) au bout de deux semaines ; vous faire
une crise de jalousie monstre en plein milieu de la rue parce que vous avez eu
le malheur de répondre au texto de votre copine de fac ; vous harceler de
dizaines de messages par jour pour vous demander si vous l’aimez …
Je continue la liste ? Non ? Pas la peine ?
Il me semblait bien que vous alliez comprendre le concept assez rapidement.
En plus du grotesque de la situation (si on veut prendre
les choses avec dérision), il faut souvent constater qu’avant d’en venir à ces
extrêmes (en eux-mêmes déjà condamnables), la fille en chiffons en a auparavant
fait en sorte que vous vous attachiez un peu. Elle a en général sorti le grand
jeu pour vous séduire, a été charmante et particulièrement attirante au
début ; vous a fait sentir le plus beau, le plus fort ; vous a fait
croire à la possibilité d’être bien en couple …
Bref, elle vous a fait sortir de son bel emballage (ou de
sa carapace) votre cœur et vous a même peut-être donné envie de lui confier. Et
parce que vous aviez envie d’y croire, vous l’avez fait.
Mais la fille en chiffons n’a que faire de votre cœur. Par
ses actes, elle le laisse tomber par terre. Et il gît alors à ses pieds, sans
qu’elle se soucie de le voir traîner là, rarement intact.
Très souvent même, parce que vous êtes abasourdi par la
surprise ou la tristesse, vous ne le ramassez pas assez vite ce cœur (pourtant
fragile) et la fille en chiffons en profite pour piétiner les quelques morceaux
encore viables avec ses beaux talons aiguilles.
Une fois le choc passé, vous ramassez les morceaux et
rentrez chez vous. (…)
La douleur passe mais une constante se dessine : vous
remballez votre cœur dans son emballage d’origine et le rangez là d’où vous
pensez qu’il n’aurait jamais du sortir : du plus profond de vous-même.
Et puis le temps passe et vous essayez de ne plus penser
aux chiffons, à la soie, à la laine, à la dentelle, à la polaire. Vous essayez
même de les éviter soigneusement, ces déclinaisons de tissus. Vous devenez
expert et fuyez tout ce qui peut causer des réactions allergique à votre peau
sensible. Vous tentez de trouver des femmes, des vraies : en chair, en os,
en honnêteté, en simplicité, en
maturité.
Et puis, quelques fois, vous en trouvez. Ou plutôt vous en
trouvez une (une c’est déjà pas mal par les temps qui court). Une qui a l’air
bien, vraiment bien. Elle est gentille, attentionnée. Elle dit simplement ce
qu’elle veut et ne se comporte pas en princesse.
Mais la fille en chiffons rode toujours.
Elle n’est pas là. Elle n’est plus là. Par contre ses
actes, eux, sont toujours présents. Un passé de rencontres de chiffons, de
soie, de laine, de dentelle, de polaire, ça ne s’efface pas comme ça.
Au-delà de briser les cœurs, les filles en chiffons créent
des hommes peureux, qui hésitent à prendre les devants de peur de se faire
rabrouer à la première invitation à dîner.
Elles créent des hommes rustres, peu prêts à faire
(encore) des efforts de galanterie à force de voir le peu de cas que l’on fait
de leurs actions.
Elles créent des hommes trop précautionneux, trop habitués
à prendre des pincettes pour parler à des princesses mal lunées.
Elles créent des hommes peu enclins à se livrer vraiment
car ils ont trop souvent confié leurs sentiments à des femmes qui n’en avaient
que faire.
La fille en chiffons rend la vie de tout le monde plus
compliquée : celle de la femme bien qui a parfois du mal à comprendre le
fonctionnement de ces hommes échaudés et blasés et celle des hommes qui doivent
réapprendre à faire confiance et doivent considérer la possibilité de sortir à
nouveau leur cœur de leur étagère intérieure fermée à double tour…
…Voilà, finalement, il faut peu de choses pour changer de
point de vue et il est facile de réaliser que qu’on soit une homme ou une
femme, quand on cherche l’âme
sœur, on s’arrête rarement à la première étape des échecs en amour et on
explore en général l’intégralité de la gamme (qu’elle soit en bois ou en
chiffons), juste pour être sûr.
Ni les hommes ni les femmes n’ont l’apanage du brisage de
cœur et du comportement à deux balles. Au moins, nous sommes tous égaux devant
ça !