Je regarde souvent mes histoires passées en me demandant
si j’ai laissé passer des occasions et potentiellement un ou des hommes de ma
vie (et oui, pourquoi se limiter à un seul ?) et certaines rencontres
ravivent plus ce sentiment que d’autres.
Manuel en a fait partie. Avec lui, j’avais décidé de ne
pas avoir de doute, de ne pas laisser passer l’opportunité même s’il y avait
peu de chance que l’histoire, le destin et surtout cet homme me laisse faire.
Pourtant, il a ouvert plusieurs fois sa porte...
Manuel fait partie de mes nombreuses rencontres produites
par la toile. Sa fiche de site était simplissime avec juste quelques mots et
choses qui le représentaient et qu’il aimait et son premier message était court
mais bien mis. Nous avons rapidement décidé de nous rencontrer.
Malgré toutes mes rencontres avec de parfaits inconnus (et
la force de l’habitude qui devrait donc jouer en ma faveur) je déteste toujours
autant attendre quelqu’un lors de la première rencontre et devoir scruter
chaque visage, espionner chaque passant (et presque implorer n’importe quel
homme de me sourire et de me reconnaître). Je fixe donc en général des RDV
assez précis.
Cette fois-ci, c’était une place, devant une fontaine avec
un sanglier. Et ce jour-là, j’étais, comme d’habitude et malgré tous mes
efforts, la première sur le lieu de rendez-vous. Par contre, la fameuse statue,
elle, n’avait pas pris la peine de venir : le sanglier avait
disparu ! Comme par magie mais en prenant bien soin de réapparaître le
lendemain. Créant ainsi un sujet de conversation perpétuel avec Manuel!
Lui est lui bien arrivé et nous avons passé un moment
agréable. Le courant est bien passé et nous avons décider de nous revoir. Nous
avons passé une deuxième soirée agréable.
Qui s’est terminée chez moi…
Cela dit, si je veux être honnête, je suis bien forcée
d’avouer, qu’à l’époque, Manuel tombait un peu « mal » dans mon
planning de rencontres : il venait se « télescoper » avec
Christophe que j’avais rencontré quelques semaines auparavant (et autant dire
que Christophe m’a occupé l’esprit un moment).
Tout à l’inverse de Christophe, Manuel était un amant
pressé, qui n’avait probablement jamais entendu parlé de préliminaires et qui
manquait cruellement de tendresse… et d’originalité. Le passage de l’un à
l’autre ne fit que me rappeler à quel point Christophe me hantait encore et
c’est honteuse que j’ai mis Manuel à la porte au milieu de la nuit (en
employant toutes les pincettes et politesses possibles, mais quand même).
De manière assez extraordinaire, j’ai découvert que Manuel
était un homme plutôt simple (pour une fois !) et pas très rancunier car
dès le lendemain, il me proposait une autre sortie que je refusais, confuse et
penaude. Je décidais à ce moment-là, à la fois de me désinscrire du
site (!) et de mettre les choses au clair avec Manuel en lui avouant que mon
esprit n’était pas tout à fait libre et qu’il ne me semblait donc pas très
judicieux de continuer à se voir.
Encore plus extraordinaire, Manuel répondit à mon email,
pas vexé outre mesure et en me souhaitant bonne chance.
Quand Manuel m’a recontacté quelques mois plus tard,
j’étais officiellement en grève du cœur et je venais tout juste de repousser
Damien (encore un autre chapitre : patience, patience…). (Et oui, j’ai eu
dans ma vie de célibataire, ce qu’on peut appeler des périodes « fastes »).
J’ai accepté un cinéma avec lui en lui précisant d’emblée
que je faisais une « pause » en matière de rencontres (pour que les
choses soient plus claires cette fois-ci. J’essaye d’apprendre de mes erreurs.
Si, si, je vous assure !). A en juger par son regard à la fin de la soirée
quand mes lèvres se sont posées sur ses joues (et pas ailleurs comme il avait
l’air de s’y attendre) le message n’avait pas été reçu de manière très claire.
J’ai essayé d’expliquer à Manuel que la succession de
rencontres (et d’échecs les suivants de près !) m’avait rendue un peu
fragile et je voulais prendre un moment pour éviter de reproduire les mêmes
erreurs.
S’il n’a pas jugé, il n’a pas approuvé non plus et je me
souviens très bien de sa réponse à ce moment-là : « je cherche
quelque chose de simple, si ça doit se faire, tant mieux et si pas : tant
pis, il n’y a rien de compliqué là-dedans ». C’est donc sur ces paroles
d’une extrême sagesse que nous nous sommes quittés une deuxième fois…
Mon travail m’amène souvent à arpenter les couloirs de
Roissy et quelques mois plus tard, en passant dans le Terminal 2, je constatais
sourire aux lèvres qu’une statue y avait disparu et je ne pus m’empêcher de
penser à Manuel. Je lui ai alors envoyé un court message : plus un clin d’œil
qu’un essai de renouer contact. Nous étions, après tout, restés en bons termes.
Je m’étais comportée avec lui comme le stéréotype de la
petite fille capricieuse, qui ne sait pas ce qu’elle veut et qui joue et
profite de ses charmes. Manuel s’avéra cela dit vraiment très peu rancunier et
me laissa une troisième chance. Qui eut cru que cela soit possible ?
Nous nous sommes donc revus et avons passé de bons moments
ensemble et étions à l’époque ce qui s’apparentait vraisemblablement à un
couple. Sur le papier, il était parfait : grand, mignon avec de beaux
yeux, athlétique, intelligent (chercheur en nano-technologies, rien que
ça !), drôle, skieur, voyageur. Je me sentais à l’aise avec lui, nous
avions des sujets de conversations et avions un sens de l’humour compatible.
Connaissant mon goût pour le masochisme inconscient en
relation, je me suis, à l’époque, beaucoup demandé si je l’avais repoussé les
deux premières fois car il était simple et semblait sain (et donc aurait été
foncièrement bon pour moi). Et essayant de suivre un conseil d’une autre
personne d’une grande sagesse : « il faut aller voir ce qui semble simple
même si cela peut sembler moins intéressant, c’est là que le bonheur
réside », j’ai tenté de faire en sorte que les choses fonctionnent, en
passant sous silence les indices qui n’auguraient rien de bon (le premier de
celui-ci étant que ses qualités d’amants ne s’étaient pas vraiment
améliorées !).
J’ai cherché chez lui ce que j’espérais trouver, prenant
mes rêves pour des réalités en mettant trop d’espoir dans cette rencontre qui
sentait clairement le réchauffé.
Cette troisième chance ne s’avéra pas beaucoup plus
concluante que les deux premières. Les choses se déroulaient plutôt bien
jusqu’à ce que je le sente qui prenait doucement ses distances, à tel point que
je ne fus pas surprise quand il m’annonça qu’il voulait rompre.
Sa façon de le faire, par contre, m’étonna un peu
plus : Un texto.
Je sais : je devrais être plus moderne et considérer
ce message de quelques lignes comme un moyen de communication comme un autre et
ne pas m’offusquer que l’homme avec qui je partageais parfois mes nuits n’ait
pas eu le courage de me dire les choses en face, ou même par téléphone.
Certains diront peut-être que je suis trop exigeante et
qu’un texto n’est pas si mal comparé à un message laissé sur le mur facebook, un fax ou une lettre d’huissier.
Avec son texto, Manuel marquait le coup et faisait encore
mieux que l’email de rupture que j’avais reçu quelques mois auparavant. Sans
classe et clairement sans C…
Ma déception et mon énervement créés par ce texto se sont
accrus quand, alors qu’il l’avait lui-même proposé, Manuel n’a jamais eu le
courage de donner plus de précisions sur cette rupture. Mieux que de rompre par
texto : faire semblant d’être disponible pour en parler ouvertement comme
des adultes et puis disparaître dans la nature. Encore une fois : sans
classe et clairement sans C…
La relative rage et l’incompréhension sont passées avec
les mois (après tout, j’ai quand même mieux à faire de ma vie que de m’appesantir
sur un homme qui a moins de C…que j’en ai). Mais ces deux sentiments ont refait
(brièvement rassurez-vous) leur apparition deux mois plus tard quand Manuel m’a
envoyé un message innocent me demandant des nouvelles, l’air de rien.
Parenthèse technique : Facebook permet
malheureusement de banaliser les contacts. Ses utilisateurs ont tendance à
penser que ce qui n’est pas permis dans la vie peut l’être là. On ne
parle même plus des messages « privés » laissés aux yeux de tous ou
des demandes d’amis ridicules… Mais n’oublions pas ce type de message :
ceux qu’on envoie alors qu’on aurait jamais le courage d’aller reparler à la
personne en question s’il fallait aller frapper à sa porte, ou même prendre son
téléphone et avoir une conversation de vive voix.
Si je deviens peu à peu une pro des réglages de
confidentialité sur Facebook, je n’ai pas encore trouvé celui qui peut éviter
d’avoir à recevoir des messages d’ex pensant qu’il est normal de prendre des
nouvelles après une largage en bonne et due forme par texto. Prévenez-moi si
vous savez comment faire…
Puisque je me doute que vous voulez savoir : j’ai
répondu à Manuel, plus dans le but d’une recherche anthropologique que dans
l’espoir d’une réponse. J’ai rédigé un premier paragraphe agréable donnant des
nouvelles de ma vie... Et un second on ne peut plus direct qui expliquait je ne
comprenais pas vraiment sa démarche mais que je serais effectivement curieuse
de découvrir pourquoi il souhaitait avoir de mes nouvelles maintenant (compte
tenu des données du problème).
Conclusion N°1 : je suis probablement plus rancunière
que Manuel.
Conclusion N°2 ; mon étude anthropologique ne s'est pas avérée très intéressante : Manuel ne m'a bien sûr pas répondu.
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